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jeudi 21 août 2014

Le TriRhéna 1000 de Michel Aubriot

1 000 bornes ! Non, non, pas le sympathique jeu de société, auquel tout le monde ou presque a dû jouer au moins une fois dans sa vie ... 1 000 bornes en vélo non stop !!! Vous y croyez, vous ? C'est pourtant ce qu'a réalisé Michel, rallye-man dans sa jeunesse devenu cyclosportif émérite, au palmarès forçant le respect, avec un nombre de participations (et de bons résultats) à des cyclosportives impressionnant. Les échanges virtuels que nous avions depuis quelque temps ont donné lieu à quelques sympathiques rencontres en ce début d'année, qui, je l'espère, se renouvelleront régulièrement. 
C'est dans une aventure hors du commun, et à mes yeux assez invraisemblable, qu'il s'est, comme une cinquantaine d'autres, lancé. Outre un matériel bien particulier, aligner autant de km, rouler de nuit, le tout en autonomie, requièrent une robustesse exceptionnelle et un mental inouï. Je laisse donc cette fois la parole à Michel, qui va vous narrer non sans humour son incroyable périple, à l'issue duquel, il ne le dit pas, il s'est tout de même classé 3ème !

Cela fait près de 2 ans que j’entends parler de ce 1000 des 3 frontières qui est devenu le TriRhéna.
Un parcours qui développe 1 010 km et 15 800 m D+ !
L’idée d’y participer m’a tout de suite trotté dans la tête, dès que Pascal (Bridou) et Gilles (Poucet) en ont parlé. Mais c’était loin. Puis les premières reconnaissances sont venues, des photos, des comptes rendus, puis un site internet, une date (du 6 au 9 août 2014), une page facebook, et l’envie grandissait.
Fin 2013 le projet se concrétise et les bulletins d’inscriptions sont diffusés. Même si dans ma tête je veux y aller, je ne fais aucune démarche, il n’y a pas d’urgence.

Le profil.
Par contre je profite d’un hiver doux et réalise mes meilleurs mois depuis que je roule : 1000 km en décembre, 800 en janvier et février, 1400 en mars. Tous ces chiffres sont des premières pour moi. Je ne roule que le week-end avec l’heure d’hiver et avec les températures clémentes, j’arrive même à placer plusieurs 200 et au-delà dans cette période.
Arrive le premier BRM 200 de la saison à Francaltroff le 22 mars : je m’y engage et Poucet (co-organisateur du TriRhéna) s’y inscrit également et vient à la maison la veille depuis Châtenois à vélo pour y participer. Depuis le début mars j’ai recommencé à faire quelques sorties le soir au départ de l’usine et le jeudi précédent je ressens une douleur au tendon d’Achille. Le samedi matin nous partons pour ce 200 doucement au début, en compagnie de Poucet et de Ludo qui se prépare lui pour Bordeaux – Paris. Cette douleur va me titiller toute la journée, mais elle n’est pas très importante, alors je fais avec.
Le soir au cours du repas, nous remettons officiellement mon bulletin d’inscription au TriRhéna au gentil organisateur Poucet.


Le dimanche, je décide de raccompagner Poucet un bout de chemin vers chez lui. Nous ferons 80 km ensemble et la douleur au tendon est toujours présente mais pas insupportable, je rentre à la maison sans trop de souci.
Lundi matin pour aller du parking à mon bureau, c’est un enfer, je n’arrive plus à marcher… Je prends aussitôt rdv avec un médecin du sport, 1 semaine de délai… Je décroche un rdv avec mon médecin pour le soir même. Il me confirme la tendinite et m’annonce ce que je ne voulais pas entendre :
IL FAUT ARRETER DE ROULER…

Une nouvelle course s’engage, celle de la guérison, je me documente et pose des questions à qui veut bien me répondre. Beaucoup de choses y sont passées…, l’homéopathie, l’argile verte, le froid, l’électrostimulation, les ondes de choc, la kiné, bref je ne rigole pas, je vois mes 2 gros objectifs de l’année avec du plomb dans l’aile : la traversée des Pyrénées et le TriRhéna.

Au bout de 3 semaines et un nouveau réglage de selle (un peu trop haute), diagnostiqué par un posturologue conseillé par Bridou, le 2ème GO de ce TriRhéna, je reprends doucement le vélo à raison de 40 à 50 km 1 jour sur 2. Je n’ai plus mal mais les échéances se rapprochent… Je revois mon programme et refais le petit parcours de la Bourguignonne le 4 mai, le résultat n’est pas fantastique mais je n’ai pas de douleur et c’est le point positif et attendu !!
Le 8 mai, je me lance sur le grand parcours de la Route Verte à Epinal et je frise la correctionnelle, avec une chute au bout de 20 km… S’ensuit un contre la montre individuel de 130 km, les sensations sont bonnes et sans douleur, il me manque encore de l’endurance à haut régime mais cela revient.
La dernière semaine de mai commence par le challenge du Vercors et j’en profite pour y rester la semaine et avaler des km et du dénivelé. Le 7 juin, je me teste sur le BRM 400 d’EPINAL, cela se passe bien, 15h45 pour 411 km (seul). Le week-end suivant ce sera les 3 Ballons, puis l’Ardéchoise Vélo Marathon une semaine plus tard où je fais la catégorie.
3 sorties de 50 km en 2 semaines en attendant la Marmotte que je commence bien mais termine un peu dans le dur. Je ne ferai que 2 sorties au cours des 2 semaines qui vont suivre et c’est le départ pour les Pyrénées  où je ferai 760 km pour 17500 m de D+. La semaine suivante se fera au pied du Ventoux que je ne monterai qu’une fois, récup oblige !
En fait, cette tendinite devait être le résultat combiné d’un hiver clément qui m’a permis de faire de long parcours mais sans beaucoup boire, j’ai fait plusieurs 200 et plus avec seulement 2 bidons de 75 cl … ça plus une hauteur de selle un peu trop haute et le mélange a été explosif.

Nous rentrons le dimanche soir du Ventoux et dès le lundi je commence l’équipement du vélo. Premier dilemme, le choix des roues, boyaux ou pneus, alu ou carbone ??  Je regarde la météo et je choisis finalement l’option carbone à boyaux (celles qui ont fait le 400 d’Epinal) et pour être logique dans mon choix, pas de garde boue. Pour la sacoche arrière, je l’avais testée sur le 400 et le réglage étant bon, j’avais gardé le support sur le vélo depuis ce jour. A l’avant une petite sacoche pour l’appareil photo et pour le GPS le temps de la recharge (ces idiots de chez Bryton n’ont rien trouvé de mieux que de mettre la prise sous la fixation…) et une dernière sacoche avant sous le cadre pour la bouffe rapide, la carte de route et mes papiers.

Le vélo avant le départ.
Ensuite il y a un des points les plus importants pour la nuit, c’est l’éclairage : je ne pars qu’avec du matériel testé et au moins doublé. Pour l’avant, en plus des 2 phares, je mets une Led de secours et la petzl sur le casque. A l’arrière ce sont 2 lampes sur les haubans, 2 sur la sacoche et 2 sur le casque.
Il ne reste plus qu’à remplir tout cet espace disponible, cela va du 2ème boyau de rechange à la couverture de survie en passant par le couteau suisse, des Efferalgan, de la crème à cuissard (pas assez), le gore tex, des pâtés lorrains, une pompe, un rouleau de chatterton, des cartouches de CO2, un stylo, une carte de sécu européenne, des clés Allen, des lentilles et des lunettes de vue, bref tout ce qui me semble être vital au cas où, pour la santé, l’habillement et la mécanique du vélo.
Coté bidon je vais partir avec 1 bidon d’un litre avec du 640 d’Overstim’s pour le début et le second, un 75 cl avec du malto. Dans les sacoches je vais tester les recharges de poudre en stick de chez Overstim’s, ces recharges vont s’avérer très pratiques à l’usage.
Pour le parcours je charge en double les traces GPS en cas de fausse manœuvre, j’avais déjà édité le road book que j’ai adapté au format de ma poche et plastifié, cela représentait 8 fiches que je disposerai pour la première partie du parcours dans ma poche et la suite dans le sac du Chasseral et dans celui de Châtenois. Un des points essentiels, quand le GPS est opérationnel, est les points d’eau qui sont indiqués, très important pour la gestion de cette ressource indispensable sur ce genre d’épreuve. D’ailleurs je n’ai jamais fait autant d’arrêt vidange (proportionnellement aux km).
Mercredi matin arrive, je traîne au lit au maximum, un petit 8 heures et je charge la voiture. On mange à 11 heures et à midi c’est le départ pour le centre névralgique de ce TriRhéna : Kingersheim, dans la banlieue de Mulhouse. A l’arrivée, aucun problème pour se repérer, tout est fléché et en arrivant tout près du but, Aurore me prend en charge et m’indique où me garer.
A la descente de la voiture, je suis pris en charge par Estelle et Chantal qui vont m’accompagner jusqu’à la table où Bridou, Poucet et Vanessa vont me remettre le sachet participant et m’indiquer où je pourrai dormir… quand je serai arrivé, et déposer les sacs que je souhaite retrouver au Chasseral et à Châtenois.  Dans ces sacs, comme dans les sacoches, des habits secs, de la recharge en victuailles, en mécanique (boyau, cartouche CO2, …) et en batteries.

A la récupération du dossard.

Nous assistons au briefing mené par Bridou et traduit en allemand puis en anglais, pas par le Bridou je rassure tout le monde, mais par Chantal.
Et arrive enfin 17h l’heure de départ du premier groupe qui part sous les applaudissements.



Je me mets ensuite en place sur la ligne de départ en attendant 17h10. 2 CCK se mettent devant nous et 3 autres derrière pour nous aider à sortir en toute sécurité de Kingersheim. Nouveau décompte du Bridou et nouveau tonnerre d’applaudissements : et c’est parti pour 1000 km… au moins !
A gauche en rouge et blanc les 2 autrichiens vainqueurs.
C'est parti .... Mercredi  il est 17h10.
Nous serpentons dans la zone artisanale puis rejoignons petit à petit la campagne, à Heimsbrunn, où nous retrouvons les ouvreurs du premier groupe. Il est temps pour les nôtres de nous quitter et de nous laisser prendre chacun notre rythme de croisière.

Michel, de dos.
Un premier Autrichien prend les choses en main et accélère très franchement, rapidement suivi par un second. Je leur emboite la roue ainsi que d’autres derrière. Une fois la vitesse stabilisée, nous nous organisons et prenons les relais. Nous sommes à 4 à tourner, avec Christian le Sud-Africain, Stefan et Thomas les Autrichiens. Nous ne tardons pas à rejoindre les premiers éléments du groupe parti à 17h00 et comme çà de groupe en groupe. Nous sommes le long du canal, la piste n’est pas très large et la berge non plus… C’est Christian qui est en tête de notre peloton, les Autrichiens sifflent quand nous revenons sur le premier groupe pour qu’ils se serrent un peu. Ils ne bougent pas et au dernier moment Christian croit voir une ouverture et s’y enfile… mais c’est à droite, c’est un simple écart de la part de ce cycliste. Il faut préciser que Christian est Sud Africain et que chez lui on roule à gauche et on double à droite !
Nous crions tous. Christian freine et évite la chute… sur la piste dans le meilleur des cas, dans le canal au pire. Ouf.


Nous finissons par arriver au ravitaillement de St Hippolyte, nous ne sommes déjà plus que 3, il est 21h et la nuit commence à tomber. C’est l’occasion pour nous de nous équiper pour la nuit. Je mets les manchons, un 2ème maillot, les manchettes et le gilet fluo. Je mange un peu de quiche et tente d’ingurgiter un café, mais il est bouillant : Bridou me rajoute de l’eau froide pour me permettre de l’avaler. D’autres participants arrivent, les Autrichiens repartent. Je termine mon café et je reprends la route pour Vercel.

Ravito de Saint Hippolyte, km 107. Il est 21h00.


La nuit est tombée,  il ne fait pas froid, je ne suis pas gêné par le vent, les jambes sont bonnes et enroulent normalement. Je maintiens le cardio à 75/80 % de ma FCmax. J’ai allumé le GPS un peu avant St Hippo et je suis la trace sans problème. J’utilise le road book pour confirmer le kilométrage et la position du point de contrôle suivant. Alors que j’arrive à Vercel, Stephan et Thomas sont en train de renseigner leur carnet de pointage.

Mercredi 22h40.
Je m’arrête, prends une photo et renseigne à mon tour le carnet jaune. Je repars et les 2 ouvreurs autrichiens de ce TriRhéna sont une centaine de mètres devant moi. Je ne cherche pas à les rattraper, mais au détour d’un village, ils sont arrêtés au niveau d’un lavoir, je continue sur mon rythme qui me va bien.
Le pointage suivant arrive très vite, seulement 30 km plus tard. Le rituel photo que je transmets par SMS à Christine, puis l’inscription de l’heure et la réponse à la question se mettent en place, il ne me faut pas longtemps, et je repars en direction du Chasseral. Mais en arrivant à Neuchatel je rate un carrefour, je suis en descente, et j’ai déjà fait une bonne distance avant que le GPS n'émette un BIP : je freine et fais demi-tour.
Au moment où je reviens au carrefour je croise les 2 Autrichiens qui partent comme moi, tout droit, je les appelle et leur montre la bonne route. Mais au bout d’une montée je me retrouve face à une route barrée, en travaux. Je tente d’appeler Bridou mais son téléphone ne passe pas… Je vérifie et je suis bien sur la bonne trace. Je redescends et à ma grande surprise, je ne croise personne !!!....  Où sont passés les Autrichiens ???
D’après le souvenir que j’ai de la carte, on doit laisser le lac à droite et monter à gauche vers le Chasseral… Je tente alors une navigation au pif et je tombe sur des étiquettes tour de Chaumont et comme elles vont dans la bonne direction je me mets à les suivre. Je verrai en regardant les données du GPS que j’ai fini par faire demi-tour … je ne sais pas comment je m’en suis sorti, mais j’ai fini par retomber sur la bonne route et je passe à l’autre extrémité des travaux. Quand j’arrive à refaire un point de situation, je me rends compte que j’ai fait un détour de 22 km : 1 heure d’énergie perdue.

Vu comme ça, j'aurais perdu moins de temps à le faire à pied...
J’attaque enfin le Chasseral… Il fait nuit et je vois sur le côté droit les lumières de la ville en contrebas. J’aperçois au loin une antenne et je me dis que ce doit être le sommet. Effectivement, je passe au bout d’un chemin qui y mène, mais le col et le sommet sont encore plus haut. La pente s’adoucit et la vitesse remonte une peu, je slalome entre les bouses de vaches au col et je suis les fléchages CCK pour enfin arriver à la Bridoumobile.

Les vaches sur la route dans le Chasseral.
Ravito du Mont Chasseral  (Suisse), km 274, jeudi matin  6h06.
Je mets le phare en flash pour réveiller les occupants des lieux qui sortent de la voiture. Le jour se lève et on a la vue sur le fond de la vallée. Bridou prend en charge mon vélo, valide mon sésame jaune tandis qu’Aurore m’énumère tout ce qu’il y a de disponible, et la liste est longue. Je n’ai pas chaud et demande mon goretex qui est dans ma sacoche. Je ne sais plus combien de temps je passerai ni ce que je prendrai dans mon sac relais mais quand je repars personne d’autre n’est arrivé. Je croiserai les suivants au col, ils hésitent à monter et je leur confirme que la restauration est bien en haut.


Pour moi c’est une descente qui m’attend. A l’heure où j’écris ces lignes, je suis incapable de dire si j’ai eu de la pluie au cours de ce périple. La seule certitude que j’ai, c’est d’avoir fait les 10 derniers km sous la pluie. Le reste du temps je me suis fait mouiller par l’eau qui remonte des roues sur les routes détrempées (pour mémoire, j’avais pris l’option de ne pas mettre les garde-boue).

Le pointage suivant est à Mumliswil, mais je suis au téléphone avec Christine quand je rentre dans le village et je rate le panneau d’entrée ! Je fais donc demi-tour pour la photo. Depuis le PBP 2011 j’ai pris l’habitude de mettre les oreillettes, comme cela Christine, ou d’autres, peuvent m’appeler et me parler facilement. Au besoin, je me sers du téléphone comme lecteur MP3 et mets de la musique pour me redynamiser de temps à autres.

Jeudi 10h45 - 385 km et 5 900 m de dénivelé.
Il est midi passé et quand je traverse les bourgs, quelques odeurs me donnent faim. Je finis par avoir une très forte envie de pizza, je m’arrête devant une pizzéria rapide… qui n’est pas encore ouverte, pas avant 17h. Donc direction le village suivant et à Steinnen je trouve une terrasse accueillante, j’appuie mon vélo contre la haie et m’apprête à rentrer quand une goutte, puis 2 puis les autres commencent à tomber. Le temps de déplacer mon vélo sous un parasol et de rentrer dans le restaurant, comme tous les clients qui rentrent avec leur assiette, et je m’attable en face d’un calzone et d’un coca en regardant l’orage à l’extérieur… pas un temps à mettre un cycliste dehors !

Pizza et coca pendant une averse, jeudi 14h00.
Quelle surprise au moment de payer l’addition !!! 11,50 € pour un calzone, un coca, une coupe de glace et un café double…  Autre bonne surprise, l’orage s’est arrêté et la route a séché. Il est 15h, je repars en direction de la prochaine équipe CCK qui est installée à Munstertal : j’y serai à peu après 18h00.

Col du Kreutzweg (Allemagne). Jeudi 17h50 avec 481 km et déjà 7875 m de dénivelé.
Ravito de Munstertal.


Quel plaisir de retrouver des têtes connues et souriantes. Je ne pense pas y être resté longtemps étant donné que je sortais de table. Mon objectif est désormais de rejoindre Châtenois pour y dormir un peu, je ne veux pas m’arrêter avant. Je pointe à Biederbach mon carton jaune, m’équipe pour la nuit et repars rapidement.

Jeudi 21h20 .......566 km.....
J’essaie de limiter les arrêts au strict nécessaire et tente de faire coïncider les arrêts pipi, équipement ou autre besoin physiologique avec les pointages. C’est pour cela que j’ai fait une bonne vidange à la pizzéria (tout ça pour 11€50 je le rappelle).
Je commence à avoir les paupières lourdes, je devrai faire quelques arrêts pour fermer les yeux. Lors de ces arrêts, je ne descends pas du vélo, je me cale sur le cadre, mets les mains sur le cintre et la tête sur les bras. Je me sens partir 2 ou 3 fois et cela repart. Cette nuit a été dure pour arriver au pied du Haut Koenisgbourg. Plusieurs fois j’ai eu des hallucinations, notamment des oiseaux noirs qui sortaient de la route (c’était des retouches de goudron). C’est dans ces moments qu’il faut s’arrêter, l’endormissement n’étant plus loin.
L’attaque de la montagne du château me rebooste, le début est assez facile puis la pente se durcit. Vue du bas, cette montée ne semble pas terrible, mais une fois dedans je n’en vois pas la fin, pas moyen de me souvenir de cette montée que j’ai pourtant déjà faite. Je vois des lumières, mais c’est le village qui est en contrebas, j’essaye de voir les lumières du château mais je ne les verrai jamais, car à l’heure où j’y suis tout est éteint. Je cherche les poubelles de la question du carton jaune, fais une petite photo et engage la descente vers l’auberge (Ravito-dortoir) de Châtenois.

Sommet du Haut Koenigsbourg....maintenant direction Châtenois et son ravito-dortoir.
Quand j’arrive chez Danielle et Poucet, les Autrichiens sont en train de dormir. Je mange un peu et je croise Thomas et Stephan qui se lèvent quand je m’apprête à prendre leur relève. Je me rechange avant de me coucher et m’endors très vite. Il est 4h15 et je demande à Poucet de me réveiller à 5h30. Chose qu’il fera en plus !

Ravito de Châtenois - Vendredi matin tôt ......
Arrivé à 3h50 - départ 6h30 après moins de 2h de sommeil .....Km  670.

Petit déj avant le départ.
A mon réveil, je prends un solide petit déjeuner, au pain frais s’il vous plait !!! Danielle me prépare une crêpe à la confiture de brimbelles et un sandwich, ce sera pour plus tard.


Le jour s’est levé, la température est agréable et le soleil se lève. Après les terribles pentes du Tortour (merci Monsieur Bridou) suivies de celles avant de passer la frontière pour revenir en France (merci Monsieur Poucet) voici maintenant une traversée de villages sur les pavés : après 700 bornes mes fesses ne savent pas qui remercier ???

En montant au Champ du Feu, un cycliste me dépasse. Il a l’air facile : normal, il n’a pas de sacoches, alors que moi j’en ai sur le vélo ... et sous les yeux ! Il ne s’éloigne pas trop vite et cela me donne du baume au cœur. J’arrive enfin à cette colonne du Champ du Feu. Le prochain col sera le plus facile du TriRhéna : il se passe en descente ! (col de la Charbonnière)

Champ du Feu km 726.
Je passerai ensuite le col de Fouchy à 11h07. Ce col m’était connu de réputation, pour sa course de côte. La montée est sympa, mais la course de côte est toujours bien connue et particulièrement de plusieurs motards qui se lâchent dans ces épingles. S’ensuivent les cols des Bagenelles et du Pré de Raves, puis encore une légère montée et c’est de la descente très roulante qui va nous emmener jusqu’au Ban sur Meurthe. Une petite route à gauche et me voici en route vers le défilé de Straiture et le dernier ravitaillement CCK où m’attendent Bridou et Denis.

Ravito d'Hervafaing (Défilé de Straiture) km  814.
Autant il est facile de pédaler et de rester sur le vélo, autant la descente du vélo est compliquée. Le corps est habitué à une position et une amplitude de mouvement, aussi quand on fait un changement important cela devient une épreuve. Heureusement les bénévoles sont aux petits soins pour nous prendre en charge avec nos montures.
Autant j’avais froid au sommet du Chasseral, autant j’ai chaud sous cette tente. Je cherche l’ombre et le courant d’air en me rapprochant du bord de l’abri. Je mange une et même 2 soupes à ce ravito, même si ce n’est pas mon plat préféré. Cela passe bien et cela favorise l’hydratation et lave la bouche du goût sucré de tout ce que l’on peut avaler à la va-vite.

Après une bonne soupe c'est reparti......
Assez rapidement, je reprends ma route vers Longemer où un crumble m’attend… mais j’y arrive trop tôt et Bertrand est encore au boulot, il devra manger ma part… Je remonte le col des Feignes et entreprends la descente de la vallée du Chajoux. Je suis sur des routes bien connues depuis le Col du Bonhomme, tellement connues que je ne fais plus trop attention au GPS : et paf, je rate un carrefour sans m’en rendre compte et descends jusqu’en bas et le centre de La Bresse ! Du coup il faut que je remonte le début du col de Grosse Pierre : et 3 km de plus dans la musette…
Je bascule au col de la croix des Moinats, envoie la photo à Christine et engage la descente sur une belle route refaite à neuf pour le Tour de France. Malgré le chargement je passerai plusieurs fois les 70 km/h au cours de ce BRM, en descente. Maintenant il faut s’extraire de Remiremont… la pente fait mal, je la connais bien pour me l'être coltinée à plusieurs reprises, mais jamais avec autant de km dans les jambes. Je prends mon mal en patience et peux envoyer la photo à Christine.

km 890 ...

C’est en arrivant à Fougerolles que je mangerai la crêpe que Danielle m’a préparée et emballée. Photo, pointage et c’est reparti pour Raddon et Chapendu où je fais le plein des bidons, enfin presque, juste de quoi rejoindre Giromagny et le dernier point d’eau avant l’arrivée. J’en profite également pour manger le sandwich de Danielle. La dernière fois que j’étais dans ce village c’était pour l’arrivée des 3 Ballons. Là, il me reste encore un bon 130 km et une montée qui m’inquiète un peu : Esmoulières. La pente est sévère, je zigzague pour en diminuer un peu l’effet, et alterne danseuse et selle. J’arrive enfin sur le plateau et je repasse le grand plateau que je garderai jusqu’au pied du Ballon d’Alsace. Etonnamment quand je tire gros, j’ai moins mal aux fesses et je redescends 1 ou 2 dents à chaque fois que je monte sur les pédales.

Passage du Col vendredi à 21h30.
La nuit arrive quand j’entame la dernière grosse montée de ce TriRhéna, le Ballon d’Alsace. J’attaque doucement le début de cette ascension jusqu’aux dernières maisons, c’est à mon avis la partie la plus dure. Je me sens un peu euphorique et accélère mais peu de temps après, je sens qu’il faut que je me tempère. Je temporiserai tellement bien qu’il me faudra 1h20 pour venir à bout de cette grimpée que je fais en 30 min … frais. Arrivé au sommet, je me couvre bien, photo pour le pointage et j’embraye dans la descente qui me paraît interminable. J’ai du mal à me repérer, mais le Saut de la Truite arrive enfin, et il faut reprendre le pédalage pour avancer suffisamment vite : c'est pas le tout, mais des gens m’attendent à Kingersheim !!!
Dernier plein du bidon à Giromagny, j’ai vérifié sur le road book, c’est le dernier point d’eau avant l’arrivée. J’ai vraiment l’impression de rouler vite, mais quand je regarde le compteur il n’est pas à la hauteur de ce que je pense… Je surveille le GPS comme le lait sur le feu et ce n’est pas pratique car depuis un bon moment la fixation a lâché et c’est désormais dans la sacoche de cadre qu’il se trouve. Je dois l’ouvrir à chaque fois, ce qui m’oblige à quitter la route des yeux de longs moments. Je ralentis à chaque fois car ce n’est pas le moment de faire une chute et plus question de faire un mètre de détour en plus ! Christine m’appelle de plus en plus souvent, je roule à à peine plus de 20 de moyenne. Je retrouve le carrefour où Chantal nous disait au-revoir quelques heures plus tôt. Il ne me reste plus que quelques kilomètres quand la pluie fait son apparition avec le vent. Je m’arrête pour remettre le goretex. Je trouve ce final interminable, le compteur n’avance pas. Pourtant, je commence à reconnaître certains bâtiments du bord de la route, je ne dois plus être très loin. Je m’arrête à un feu rouge et 2 gars dans un camion me demandent leur route… Je leur réponds que, contrairement aux apparences, je ne sais d’ailleurs pas lesquelles, je ne suis pas du coin et je ne peux pas les aider.
Nouveau dernier coup de fil, d’ondes, de Christine :

« -T’es où ?
-J’en sais rien : je suis à un feu rouge je ne me repère pas ! » 

Il fait nuit, il pleut, pas très fort mais la route est mouillée et je ne vois pas les repérages CCK qui sont pourtant là. Je finis malgré tout par passer le feu au rouge puisqu’il ne veut pas changer de couleur et qu’il n’y a personne. La trace GPS donne virage sur virage, le Bryton ne sait plus où donner de la tête, les distances sont trop courtes, il n’a pas le temps de réagir. Il est comme moi, il est perdu, et pourtant je sens la bonne odeur de l’écurie. Je vois un vélo passer au bout de la rue derrière moi, je fais demi-tour et au bout d’un moment je finis enfin par reconnaitre la salle Fernand Anna. Un dernier virage à gauche et je vois des silhouettes qui s’agitent au milieu de la rue : c’est là, j’y suis ! Il est 2h16, j’ai réussi à en venir à bout de ce premier TriRhéna. Depuis le temps que l’on en entendait parler !

Samedi matin 2h16 arrivée de Michel
après1032 km et 57h06 de vélo......
Une joie profonde m’envahit, Christine est là avec les bénévoles, j’avais bien pensé lui suggérer de venir, sans oser le lui demander. Il y a de l’ambiance dans cette rue de l’oranger à 2 heures du matin, et quelle ambiance !!!

Avec Christine, mon épouse.

Bridou récupère mon carton jaune une dernière fois.

Pas trop mauvaise mine pour quelqu'un
qui vient de faire 1032 km et dormir moins de 2h !!!
Il ne me reste plus qu’à me déséquiper et à me restaurer un peu avant de prendre un bonne douche, cela fait du bien de se laver après tout ce temps passé à transpirer et sous les intempéries et …. à me coucher dans cette fameuse salle Anna. Certains dorment déjà et le font entendre… mais cela ne me dérangera pas longtemps.
Je me réveille juste pour l’arrivée du brevettiste suivant, Uwe. Christine est encore là, elle ne s’est pas couchée et a suivi l’ambiance de ce TriRhéna au cœur du centre nerveux, le club house du CCK. A peine levé que je suis à nouveau dans l’ambiance. Il y a du pain frais - j’adore le pain frais - et du Kougloff pour le petit déjeuner ! Tout est fait comme sur les ravitaillements pour nous remettre en bon ordre de marche. On traîne un peu dans la salle, on dit qu’on va rentrer à la maison et il y a toujours une bonne raison pour rester encore un peu dans cette ambiance. Danielle et Poucet finissent par arriver, on en profite pour remercier encore une fois les co-organisateurs et bénévoles présents sur place et on repart avec des images et des souvenirs plein les yeux et la tête.

Quelques chiffres ... : 1 032 km - 15 065 m de dénivelé - 48h45 de vélo … et un total de 57h06, ce qui fait quand même 8h21 d’arrêts.
Pente maxi 20 % - Température de 10 à 35°C - 18,1 km/h arrêts compris et 21 km/h sans les arrêts.

A bientôt pour une prochaine édition, mais auparavant il y aura le Paris Brest Paris, en 2015 !

L’album photo complet de cette aventure se trouve ici.

Pour être complet sur ce 1000 transfrontalier,

le récit vécu côté organisateur de Pascal Bride, à lire ici.

La même aventure vécue par un autre concurrent, Christophe Bournac, à lire en plusieurs volets.

Chapitre 1 - Chapitre 2 - Chapitre 3 - Chapitre 4 - Chapitre 5 - Chapitre 6.


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